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Une brève histoire de la photographie - Portfol...

MOOC Culture
September 27, 2018
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Une brève histoire de la photographie - Portfolio de la séquence 1

MOOC Culture

September 27, 2018
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  1. Anna Atkins, Lycopodium, Ceylan, entre 1843 et 1853. Photo (C)

    RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Patrice Schmidt Cette épreuve cyanotype d’Anna Atkins, datée approximativement entre 1843 et 1853, illustre l’application aux sciences, et notamment à la botanique, des balbutiements de la photographie. L’image est ainsi obtenue par la simple apposition du végétal sur une feuille de papier sensibilisée. Ce dessin photogénique, empreinte négative à la teinte bleutée caractéristique, s’ajoute à de nombreux autres au sein d’albums, véritables herbiers photographiques. Ils sont révélateurs de la position de la photographie, dès ses débuts, entre le beau et le savoir.
  2. Eadweard Muybridge, Homme nu sautant à la perche, 1887. Photo

    (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Patrice Schmidt Par la chronophotographie, Muybridge s’attache à décomposer le mouvement par des déclenchements successifs d’appareils dont chaque cliché est ensuite assemblé dans une planche. Vers 1880, la rapidité des émulsions associée à un puissant éclairage permet de figer le geste dans l’espace. Ce qui se révèle alors était invisible à l’œil nu. Ce qui au départ devait servir la science, la compréhension d’un phénomène physique, se révèle riche de beauté plastique. Animées, projetées sur un écran, cette succession d’images s’appellera bientôt… le cinéma.
  3. Eugène Disdéri, Mme Berthe Legrand en pied, en huit poses,

    1867. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Jean-Gilles Berizzi En 1854, Paris compte de nombreux studios de photographie concurrents. Le climat social et politique, sous le règne de Napoléon III, est à l’entreprise, à l’innovation, aux affaires. L’Empereur aime la photographie ! Et la bonne société avec lui. Disdéri, en 1854 met au point un châssis qui permet plusieurs vues sur une même plaque de collodion. Cette photographie multiple, baptisée « carte de visite » se découpe et se distribue pour la promotion de la personne représentée. Si la pratique de la photographie est encore réservée à une élite, son usage se popularise comme accessoire des rapports sociaux.
  4. Félix Nadar, Charles Baudelaire au fauteuil Louis XIII, avant 1855.

    Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski Que ne dira-t-il pas, le poète, sur la photographie, dans son texte critique sur le Salon de 1859 ? Triviale image adorée par la foule idolâtre tel un veau d’or ! Refuge des peintres manqués ! Ruine de l’esprit français ! Industrie mortelle ennemie de l’art ! Le voilà pourtant, avant 1855, bien assis devant l’objectif de Nadar, le plus célèbre des portraitistes. Baudelaire l’esthète a déjà bien compris que la photographie était un outil de communication à maîtriser et que l’image de soi est aussi une image pour les autres. Posture affligée, apparence chétive, ce portrait fait écho aux vers du poète de Recueillement, « Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille »…
  5. Thomas Annan, Close, N°46, Saltmarket , entre 1868 et 1871.

    Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski Cette image du photographe écossais Thomas Annan, prise entre 1868 et 1871, répond à une commande du Glasgow Improvement Trust qui souhaite recenser les quartiers pauvres de la ville destinés à être démolis. Dans ce contexte, la photographie est sollicitée pour fournir un corpus documentaire. Malgré la misère qu’il constate, le photographe ne s’autorise pas la sensibilité humaniste qui affaiblirait la force du constat. Charrette, enfants pauvres, pavés, habitations sont des éléments présents dans l’image sans hiérarchie de valeur. Aussi impitoyable qu’elle paraisse cette photographie ouvre la voie d’un genre d’avenir : le documentaire social.
  6. Felice Beato, Homme tatoué, autour de 1863. Photo (C) RMN-Grand

    Palais (MNAAG, Paris) / image RMN-GP Attention ! Ne pas se fier aux apparences ! La photographie couleur n’apparaitra, par le procédé de l’autochrome, qu’en 1903. Cet homme japonais tatoué lui est donc bien antérieur, photographié aux alentours de 1863. L’image noir et blanc a simplement été rehaussée d’aquarelle, à la manière des ukiyo-e, traditionnelles estampes sur bois. Le Japon de l’ère Edo est encore une société fermée, largement ignorée du monde occidental. Felice Beato, aventurier photographe, en montre les signes et les personnages dans des thématiques prisées par le public curieux d’exotisme. Document ethnographique, certes, mais doté d’un fort potentiel commercial.
  7. Louis Adolphe Humbert de Molard, Louis Dodier en prisonnier, 1847.

    Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski Ce daguerréotype, daté de 1847, est une mise en scène. Louis Dodier était l’intendant du château d’Argentelle, propriété du photographe, situé en Normandie. L’employé se prête avec conviction à l’interprétation d’un personnage fictif, romanesque, fers aux pieds et regard insoumis. Traditions littéraires et picturales se combinent dans ce portrait intense, frontal. Familier de ces saynètes domestiques, souvent champêtres et pittoresques, Humbert de Molard est représentatif d’une élite passionnée par la photographie. Ancillaires, ses images campent un mode de vie aristocratique, exempt de toute intention commerciale.
  8. David Octavius Hill, Willie Liston redding the line, entre 1843

    et 1846. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski Ce portrait de pêcheur de Newhaven préparant son hameçon, épreuve sur papier salé à partir d’un négatif calotype, est remarquable pour comprendre la noblesse qui a pu être attachée à ce procédé photographique. Evoquant le rendu des gravures, jouant sur la matière du papier, cette richesse rejaillit sur ce personnage saisi dans un geste de son métier. La passion pour le calotype fut si forte que nombre de ses utilisateurs stoppèrent toute activité photographique quand il fut supplanté par le procédé au collodion à partir de 1851.
  9. Charles Nègre, Le Stryge, 1853. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée

    d'Orsay) / Hervé Lewandowski Bien que n’ayant pas participé à la Mission héliographique de 1851, Charles Nègre est un des grands primitifs de la photographie. Ce négatif sur papier et cette épreuve sur papier salé, représentant la fameuse gargouille de Notre-Dame dessinée par Viollet-le-Duc, fait écho à la gravure de Charles Meyron qui lui est contemporaine. Le point de vue choisi par Charles Nègre dédramatise le sujet. La monstruosité de la sculpture est concurrencée autant par la rigueur architecturale de l’édifice que par la vue sur Paris. Le personnage en haut de forme, qui n’est autre que le photographe Henri Le Secq, concentre le regard et achève d’isoler la gargouille dans sa mélancolie.
  10. William Henry Jackson, Old Faithfull, 1870. Photo (C) RMN-Grand Palais

    (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski La photographie en Amérique, au tournant de l’année 1870, est profondément liée à la découverte du territoire de ce pays neuf. Parallèlement à la jonction des lignes de chemin de fer d’est en ouest, des photographes expéditionnaires enregistrent les sites spectaculaires tel ce geyser du parc du Yellowstone. Puissance et gigantisme de la colonne d’eau face à cet homme si petit devant la nature. Cette photographie relaye l’idéologie « catastrophiste » de la création de monde, né de la puissance divine. Cette vision édénique des Etats-Unis vient aussi compenser, auprès du peuple américain, le traumatisme de la guerre de Sécession.
  11. Maxime du Camp, Nubie, Ibsamboul. Colosse occidental du spéos de

    Phré, 1852. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski Entre 1849 et 1850, Maxime du Camp accompagne l’écrivain Gustave Flaubert en Orient. Il y réalise, pour le compte du ministère de l’Instruction publique, un ensemble de 125 photographies dans les pays d’Egypte, Nubie, Palestine et Syrie. Du Camp opte pour une efficacité documentaire face aux sites archéologiques monumentaux. L’exactitude de la représentation en est le maître-mot. Face à ce colosse, la frontalité, l’éclairage sans ombres, et un personnage pour donner l’échelle tendent à l’information objective. Servante de la science ethnographique, la photographie accomplit le vœu d’Arago qui voyait dans le daguerréotype l’outil idéal pour la copie et l’étude des hiéroglyphes.
  12. Gertrude Käsebier, My Neighbors, 1905. Photo (C) Musée d'Orsay, Dist.

    RMN-Grand Palais / Alexis Brandt Relevant de l’esthétique pictorialiste, cette image, au titre « Mes Voisins » invitant à une interprétation ironique, est publiée en 1905 dans la revue Camera Work. Le sujet, ancré dans un quotidien rural et familier prisé par la photographe, peut toutefois se lire comme une allégorie. En effet, Gertude Käsebier figurait volontiers l’idée du couple marié sous les traits de bovins. Stabilité de l’attelage, sécurité de la force tranquille, mais limitation de l’initiative et de l’indépendance. Son implication professionnelle et commerciale pour subvenir aux besoins de sa famille amène à considérer la pratique de la photographie comme vecteur de l’émancipation féminine.
  13. Clarence Hudson White, Drops of Rain, entre 1902 et 1908.

    Photo (C) Musée d'Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt Membre du cercle pictorialiste américain de la Photo-Secession, Clarence H. White est influencé par le symbolisme et par un minimalisme de la représentation hérité d’une tradition picturale japonaise. Cette photographie joue sur le registre de la sensibilité, en s’abstenant d’être précisément descriptive par un jeu de formes élémentaires. On ne peut la considérer comme un portrait. L’enfant n’est pas identifiable, mais habite la photographie de la valeur sensible attachée à l’enfance. Les gouttes d’eau et la sphère parfaite fonctionnent dans une mise en abyme transparente, inscrites dans un rectangle, baignées de douce lumière. Rien ne vient heurter l’exercice du regard.
  14. Alfred Stieglitz, The Flat Iron, 1903. Photo (C) RMN-Grand Palais

    (musée d'Orsay) / René-Gabriel Ojéda Pape du pictorialisme mondial, Alfred Stieglitz photographie cet immeuble new yorkais en forme de fer à repasser peu de temps après son inauguration. Si la représentation de cette architecture atypique est conforme aux préceptes pictorialistes, ambiance atmosphérique, évocation plutôt que description, elle prend cependant pour sujet un élément de modernité urbaine. Pour en rendre compte plus justement, l’esthétique photographique devra évoluer. Des constructions et ouvrages d’art comme le Flat Iron, le pont de Brooklyn ou plus près de nous le pont transbordeur de Marseille serviront de point d’appui aux recherches avant-gardistes de la photographie.