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Géographie des activités de recherche : logique...

MarionMai
April 28, 2022

Géographie des activités de recherche : logiques de spatialisation et coopérations entre lieux

Cette présentation revient sur les résultats de plusieurs années de travaux en géographie des sciences s’intéressant aux dynamiques de production et de coopérations scientifiques mondiales ; aux liens entre production et effectifs de recherche ; et aux différentes logiques de spatialisation des activités de recherche. Les dispositifs de gouvernance de l’activité scientifique seront abordés à travers deux entrées : le développement de politiques de recherche susceptibles d’influencer les produits de la science ; la mise en place d’instruments pouvant faciliter l’établissement de coopérations entre régions, pays, et continents différents.

MarionMai

April 28, 2022
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  1. GÉOGRAPHIE DES ACTIVITÉS DE RECHERCHE : LOGIQUES DE SPATIALISATION ET

    COOPÉRATION ENTRE LIEUX Marion Maisonobe Chargée de recherche CNRS Laboratoire Géographie-cités
  2. FONCTIONNEMENT DE LA SCIENCE CONTEMPORAINE L’activité de recherche scientifique s’est

    professionnalisée au cours du XIXe siècle Cette activité donne lieu à des publications, des ouvrages, et des communications Pour les chercheurs, ces supports sont un moyen de diffuser leurs travaux, d’obtenir leur validation par la communauté académique et de revendiquer leur priorité Le système de validation « par les pairs » n’est pas nouveau – Dès 1665, une évaluation systématique est organisée avant parution des publications soumises aux Transactions of the Royal Society of London D’autres types de productions scientifiques existent - plus ou moins valorisées selon les disciplines : brevets, posters, films, bases de données, billets de blog, photographies, cartes, animations, logiciels, applications etc. Yves Gingras. Sociologie des sciences. PUF. « Que sais-je ? », 2020.
  3. GÉOGRAPHIE DE LA PRODUCTION SCIENTIFIQUE Coexistence de plusieurs cadres théoriques

    : Scientométrie spatiale : suivi de l’activité scientifique, production d’indicateurs pour informer l’action publique, les responsables scientifiques et les organisations internationales ; suivre les manifestation du phénomène de « croissance de la science » qui se traduit par une croissance massive des publications académiques Économie régionale : lier les indicateurs de développement territorial et d’innovation aux indicateurs d’investissements et de résultats en R&D ; comprendre et améliorer le passage de la connaissance à l’innovation Géographie humaine : comprendre les mécanismes de mises en relation entre sociétés et collectifs à différentes échelles et les logiques de constructions et d’appartenance territoriale en étudiant les échanges matériels et immatériels qui s’établissent entre lieux
  4. MESURER LA « CROISSANCE DE LA SCIENCE » En 1966,

    Dedijer ironisait : « one may recall what was said in 1960 of 147 of the world’s 150 countries: they know the number of their donkeys, but not the number of their research workers » Au niveau de la statistique internationale : Manuel de Frascati à partir de 1963 : mesure des intrants de la recherche pour les pays de l’OCDE Inspiré par les rapports statistiques de la NSF (National Science Foundation) 1990 : création de l’Observatoire des Sciences et Techniques (OST) Journal Le Monde, 30 octobre 1991 : Un observatoire pour répondre aux questions : La Recherche, « qui la finance ? Quel est son poids dans l'Europe, dans le monde ? Quels sont ses points forts, ses points faibles ? Quelle est sa place dans la circulation des échanges et les échanges internationaux ? » Stevan Dedijer. The science of science: a programme and a plea. In: Minerva, vol. 4, no. 4, 1966. pp. 489–504 ; Benoît Godin. The Emergence of Science and Technology Indicators. Working Paper, 2008.
  5. La constitution de systèmes nationaux de recherche < Sociologie des

    sciences institutionnaliste < L’œuvre de Ben David sur la circulation des modèles d’organisation :  Système polycentrique en Allemagne et aux États-Unis versus système centralisé en France et en URSS  Coexistence de différents types d’institutions (académies, universités, centres de recherche) aux logiques de spatialisation distinctes  Déplacement du « centre de la science mondiale » entre le XVIIe et le XXe siècle (Italie > Angleterre > France > Allemagne > États-Unis) – (1971) // Phénomène de Yuasa (1962) Joseph Ben David. Scientific growth: essays on the social organization and ethos of science. Textes rassemblés par Gad Freudenthal 1991. Los Angeles : Univ. of California Press. MESURER LA « CROISSANCE DE LA SCIENCE »
  6. LA POLARISATION SPATIALE EN QUESTION Les activités scientifiques ont la

    réputation d’être géographiquement très concentrées Tendance au déclin de cette concentration depuis la seconde moitié du XXe siècle Paradoxalement, maintien de l’idée qu’il y a un mouvement spontané de polarisation de cette activité renforcé par des effets de concurrence entre lieux Pourquoi ce paradoxe ?
  7. The World is spiky Florida, 2005 « The concentration of

    creative talents in a few hotspots able to connect to the global system of cities is intensifying from the 1990s » (Florida, 2005)
  8. LES VILLES DE « LA SCIENCE MONDIALE » À propos

    de la croissance du volume de publications dans le SCI entre 1996 et 2006 : « La croissance total a été de 28 % alors que la croissance des 30 premières villes a été de 34 %, ce qui démontre un processus de déconcentration » (Matthiessen, Schwarz & Find, 2010) À partir des mêmes données sur la même période : « La proportion de publications des 25 villes présentes dans le top 30 à la fois en 1997 et 2007 a diminué de 3.7 points » (Grossetti et al., 2014) Christian Wichmann Matthiessen, Annette Winkel Schwarz, & Søren Find. World Cities of Scientific Knowledge: Systems, Networks and Potential Dynamics. An Analysis Based on Bibliometric Indicators. IN: Urban Studies, vol. 47, no. 9, 2010. pp 1879–97. ; Michel Grossetti, Denis Eckert, Yves Gingras, Laurent Jégou, Vincent Larivière, & Béatrice Milard. Cities and the Geographical Deconcentration of Scientific Activity: A Multilevel Analysis of Publications (1987–2007). Urban Studies, vol. 51, no. 10. 2014. pp. 2219–34.
  9. ÉVOLUTION DE LA PART DE PRODUCTION MONDIALE DES VILLES ASIATIQUES

    LES PLUS PUBLIANTES (%) 0,8 1,3 1,8 2,3 2,8 3,3 2000* 2003* 2007* 2010* 2013* World production share (%) Asian cities in the top 10 publishing cities Beijing Seoul Tokyo Shanghai
  10. ÉVOLUTION DE LA PART DE PRODUCTION MONDIALE DES VILLES NON-

    ASIATIQUES LES PLUS PUBLIANTES (%) 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2 2000* 2003* 2007* 2010* 2013* World production share (%) Non-Asian cities in the top 10 publishing cities New-York London Boston Paris San-Francisco-Bay Area Washington out in 2008
  11. Source : Maisonobe, M. (2020). Regional Distribution of Research :

    The Spatial Polarization in Question. Dans R. Ball, Handbook Bibliometrics (377-396). (S.l.): De Gruyter Saur. URL : https://doi.org/10.1515/9783110646610-036 En vert : DIRD par secteur d'exécution et région NUTS 2 (en Millions d’Euros, tous secteurs confondus)
  12. Et la mise en reseau ? Évolution de la concentration

    des collaborations par classe de villes
  13. 16 Marion Maisonobe, Michel Grossetti, Béatrice Milard, Denis Eckert, &

    Laurent Jégou. The global evolution of scientific collaboration networks between cities (1999–2014): Multiple scales. In: Revue Française de Sociologie, vol. 57, no. 3, 2016. pp. 417–441.
  14. Most cited cities 2000* 2003* 2007* 2010* 2013* Trend Top

    10 23.5 21.1 18.5 17.4 16.7 Top 20 33.3 30.5 27.5 25.9 24.9 Top 30 39.5 36.9 33.8 32.2 31.1 Top 50 49.5 46.7 43.7 41.7 40.9 Top 100 64.1 61.3 57.8 56.0 55.3 Top 200 80.2 77.5 74.7 72.9 71.8 Top 500 94.9 93.8 92.1 90.8 89.7 Top 1000 98.7 98.3 97.7 97.1 96.7 Total 100 100 100 100 100 Share of the global total of citations (%) Source: Science Citation Index Expanded (articles, reviews and letters) *mobile average over three years Et la “qualité” ? Évolution de la concentration des citations par classe de villes
  15. P. A. Balland, C. Jara- Figueroa, S. G. Petralia, et

    al. Complex economic activities concentrate in large cities. In: Nat Hum Behav, 4, 2020. pp. 248– 254 Et l’avantage métropolitain ?
  16. Marion Maisonobe. Géographie des activités de recherche et hiérarchies urbaines.

    Centralités et hiérarchies des réseaux et des territoires. À paraître. ISTE Editions. Michel Grossetti, Marion Maisonobe, Laurent Jégou, Béatrice Milard, Guillaume Cabanac. Spatial organisation of French research from the scholarly publication standpoint (1999-2017): Long-standing dynamics and policy-induced disorder. EPJ Web of Conferences, 2020.
  17. Proximité entre Géographie universitaire et géographie de la recherche en

    France « La répartition des chercheurs de l’Enseignement Supérieur, parce qu’elle est globalement liée à celle des étudiants (coefficient de corrélation de 0,995 !) se calque de plus en plus sur le niveau supérieur de l’armature urbaine française. » (Brocard, 1991, p. 73) ; « Bon an, mal an, bon gré, mal gré, la géographie des laboratoires du CNRS se calque progressivement sur celle des Universités, elle-même liée à la répartition des étudiants. » (ibid., p.75) Dès la fin des années 1990, « l'équipement de formations supérieures devient aussi répandu que l'équipement dans lequel s'achève la scolarité obligatoire » de sorte que « tous les grands pôles universitaires complets se situent à moins de deux heures de route des autres pôles de leur région ou des régions voisines » (Baron, 2010). Madeleine Brocard. La science et les régions : géoscopie de la France. In: RECLUS-La Documentation Française. 1991. ; Myriam Baron. Les transformations de la carte universitaire depuis les années 1960 : constats et enjeux. In: Le Mouvement Social, vol. 233, no. 4, 2010. pp. 93-105
  18. INSTITUTIONS DE RECHERCHE : DES LOGIQUES DE SPATIALISATION MULTIPLES Fonctions

    d’enseignement supérieur – répondre à une demande de formation Fonctions industrielles (logique sectorielle) – participer à l’activité économique d’une région - ex. l’aéronautique dans la région toulousaine Fonction politique – affirmation d’une souveraineté nationale, contrôle d’un territoire - ex. du Royaume du Danemark (Adriansen & Andriansen, 2018) Fonction scientifique : aménités recherchées - ex. ciel dépourvu de pollution lumineuse pour les observatoires Rôle des notables et industriels locaux dans les décisions de localisation Marion Maisonobe. Géographie des activités de recherche et hiérarchies urbaines. Centralités et hiérarchies des réseaux et des territoires. À paraître. ISTE Editions. ; H. K. Adriansen, I. Adriansen. A Political Geography of University Foundation: The Case of the Danish Monarchy. In: Geographies of the University, P. Meusburger, M. Heffernan, L. Suarsana (dir.). Springer International Publishing 2018. pp. 193–217
  19. Où a été faite la science entre 2000 et 2013

    ? Source : Web of Science (articles, recensions et lettres) Crédit: L. Jégou et M. Maisonobe
  20. Cas de Rodez : « Pour le seul IUT, il

    n’est presque jamais mentionné Rodez, les articles sont adressés à Toulouse ou à Albi, lieux d’implantation des laboratoires d’appartenance. C’est notamment le cas des publications en droit où les auteurs signalent de façon systématique leur laboratoire toulousain sans citer Rodez. » Chauvac et Navereau, Rapport pour le CCRDT Occitanie, Compréhension des dynamiques spatiales de l’activité scientifique à l’échelle de la Région Occitanie, Juillet 2020
  21. LE PARADOXE DU « PUBLISH LOCALLY, PERISH GLOBALLY » Décrit

    par Sari Hanafi, sociologue à l’EHESS, en 2011 Travail de thèse portant sur les universités de l’Orient arabe (Égypte, Syrie, Palestine, Jordanie, Liban) et la production des élites dans les facultés de sciences sociales publiques et privées Deux comportements s’opposent : → Participer au débat public, publier dans sa langue ou avec des métaphores et des références spécifiques au contexte local dans des revues locales → Publier dans des revues internationales en anglais avec la nécessité de généraliser le propos, et le risque de rester à la marge du système scientifique global
  22. Poitiers aspire à devenir un pont entre le Nord et

    le Sud de l’Arc Atlantique Détection de communautés sur le réseau de collaboration des villes françaises en chimie : 7 zones Les villes de la FR INCREASE appartiennent à des groupes différents “quand tu regardes la carte, Poitiers est au centre, donc quand on fait des réunions, tout le monde est à peu près à deux heures de trajets, ce n’est quand même pas mal pour le fonctionnement. La proximité ça reste important, nous pouvons toujours faire des visio-conférences mais ce n’est pas pareil” La création d’INCREASE pourrait permettre de renforcer la connexion entre le Nord et le Sud de l’Arc Atlantique en chimie
  23. M. Maisonobe, CNRS. Data: LORD & TAI-NUI Suivi des thématiques

    au fil des éditions de l’International Symposium on Green Chemistry (ISGC, La Rochelle)
  24. Roscoff scientific production by city at the European level since

    2000 Roscoff : 1090 publications Paris : 178 Santiago : 31.6 Nantes : 31.5 Aix-Marseille : 29 Exeter : 27 Nice : 25 New-York : 22 Perpignan : 22 Barcelona : 21 Lyon : 18.7 Nombre fractionné de publications. Source : WoS (All indexes). Requête : AD = « Roscoff ». Date de récupération : 2020-10-08. Screenshot de NETSCITY: https://irit.fr/netscity La production scientifique par ville à l’échelle européenne depuis les années 2000
  25. Traitements : 1) Extraction d’adresses 2) Géocodage 3) Aggrégation au

    niveau aire urbaine et pays 4) Choix d’une méthode de comptage Fichier avec des métadonnées bibliographiques Sources : Web Of Science, Scopus, ou fichier personnel en .csv Entrée NETSCITY Sorties • Cartes • Tables • Fichier d’export
  26. Une méthode de scientométrie spatiale pour étudier la science au

    niveau des villes à l’échelle mondiale Localiser les municipalités depuis lesquelles les chercheurs signent leurs publications Construire des périmètres d’agglomérations en utilisant la distribution de la densité de population
  27. PROFIL DES COOPÉRATIONS INDIENNES (2007-2015) Source: SCI Expanded (2007-2015). MM

    % 1999-2006 2007-2015 India (intra) 43.2 53.5 Europe 22.2 15.9 Asia 18.0 13.6 N-America 13.2 13.0 Oceania 1.5 1.6 Africa 1.1 1.4 S-America 0.8 0.9
  28. PROFIL DES COOPÉRATIONS ECOSSAISES (2007-2015) Source : Maisonobe, M., rapport

    interne pour le gouvernement écossais, 2020 Source: SCI Expanded (2007-2015). MM
  29. Le site internet GéoScimo en anglais et français GEOgraphie de

    la production SCIentifique MOndiale URL : https://www.irit.fr/netscity/prod/ Un outil (version beta) pour étudier la géographie de la science au niveau des villes
  30. « A GEOGRAPHIC DECENTRALIZATION » “The apparent order which existed

    after 1945, owing to the high concentration of science and technology in a very small number of countries and centres, has now been eroded. If any international policy for science has been operating in the last 20 years, it has certainly been one of geographic decentralization. It has borne results; one consequence of it is precisely the need for more common moorings” (Gottmann, 1973). “In recent decades, expenditure on R &D has increased nearly everywhere in absolute amounts and in most places also as a percentage of the gross national product. Scientists and engineers engaged in research and development have also increased nearly everywhere, both in absolute numbers and as a fraction of the population of their respective countries. All these measures indicate a growth in scientific activity in nearly every country in recent decades” (Schott, 1991).